Et le vainqueur est….Numericable. Bouygues doit s’incliner pour le rachat de SFR.

Frédéric Hourdeau

News

le 06/04/2014 à 23h20

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Dans un communiqué  publié samedi Vivendi annonce : «Le Conseil de surveillance a décidé, à l'unanimité, de retenir l'offre d'Altice-Numericable.

On resterait donc avec quatre opérateurs. Une situation propice, à court terme,  au maintien de la concurrence … mais qui suscite des interrogations !

Le Conseil de surveillance de Vivendi a choisi samedi 5 avril « à l'unanimité », de privilégier l'offre de Numericable et sa maison-mère Altice contre celle de Bouygues :

Le communiqué de Vivendi :

« Au terme de débats approfondis, le Conseil de surveillance a décidé, à l'unanimité, de retenir l'offre d'Altice-Numericable qui correspond au projet industriel le plus porteur de croissance, le plus créateur de valeur pour les clients, les salariés et les actionnaires, et répondant le mieux aux objectifs de Vivendi », souligne le groupe.

« Cette décision met un terme au projet de mise en bourse de SFR » précise par ailleurs  le communiqué.

« Le Conseil a procédé à un examen attentif des offres, ainsi que des courriers et documents que le Groupe Bouygues a pris l'initiative de lui adresser pendant cette période d'exclusivité, y compris jusqu'à ce jour, en vue d'un rapprochement entre SFR et Bouygues Telecom » est-il précisé.

« Le Conseil de surveillance a entendu le rapport du Comité spécial mis en place pour étudier les différentes options offertes à Vivendi ».

« Ce Comité, assisté de ses propres conseils, a analysé les offres d'Altice-Numericable ainsi que celles du Groupe Bouygues au cours de huit séances de travail tenues tant à huis clos qu'en présence de l'ensemble des conseils (banquiers et avocats) », est-il encore ajouté.

Numericable propose 13,5 milliards d'euros à la réalisation de l'opération ainsi qu'un complément éventuel de prix de 750 millions d'euros, et une participation de 20% pour Vivendi dans le nouvel ensemble, qu'il pourra céder ultérieurement.

La réaction de Bouygues

Bouygues a affirmé samedi prendre acte de la décision de Vivendi en soulignant toutefois  que son projet présentait « les garanties les plus sérieuses ».

« Bouygues informe le marché qu'il a soumis à Vivendi le samedi 5 avril au matin une offre qui portait la partie en numéraire à 15,5 milliards d'euros tout en proposant à Vivendi 5% du nouvel ensemble Bouygues Telecom - SFR, sans contrainte de liquidité» est-il souligné .

Selon Bouygues « cette offre valorisait donc SFR à 16 milliards d'euros avant synergies et à 17 milliards d'euros après synergies et paiement du complément de prix éventuel de 500 millions d'euros ».

La réaction embarrassée du Ministre de l’économie :

Le ministre de l'Économie, Arnaud Montebourg, a affirmé qu'il entendait redoubler de vigilance sur les engagements pris en terme d'emploi par Altice et Numericable ,et que notamment il veillerait à ce que ne soit à ne supprimé  aucun emploi postérieurement à la fusion, sous quelque forme que ce soit.

Bouygues n’avait pourtant pas ménagé ses efforts :

Jeudi soir, il a été adressé un courrier aux membres du conseil de surveillance et du directoire de Vivendi, et à leurs présidents respectifs, Jean-René Fourtou et Jean-François Dubos

Martin Bouygues dressait  la liste des obstacles juridiques recensés par ses services à une cession de SFR à Altice-Numericable notamment sur les connexions existantes avec certains milieux bancaires dans cette opération, citant notamment Goldmann Sachs et la Deutsche Bank.

« Ces banques ont un intérêt financier important à ce que l'offre d'Altice/Numericable soit retenue », écrivait-t-il en faisant état d’un  « double jeu ».

Martin Bouygues s'interroge par ailleurs sur «sur la possibilité pour Vivendi de réaliser la cession de SFR sans soumettre cette décision à l'assemblée générale de ses actionnaires alors que SFR constitue une part prépondérante des actifs de Vivendi ».

Ainsi, Bouygues, n'avait pas renoncé et avait au contraire amélioré son offre pour atteindre 15 milliards d'euros en numéraire, et 10% du nouvel ensemble pour Vivendi, dans une dernière offre annoncée vendredi matin valable jusqu'au 25 avril. 

Numéricable : la complémentarité  de la fibre optique

« Nous pouvons créer un champion national car les complémentarités sont évidentes » a indiqué  Eric Denoyer, le PDG du câblo-opérateur.

« Nous pouvons mettre en place très vite un réseau de fibre inégalé et réussir le plan Très Haut Débit. On peut d'ores et déjà viser 12 millions de prises en 2017 contre 8,5 millions si nous continuons seuls et les coûts seront faibles car les réseaux sont complémentaires ».

Numericable souligne qu'il maintiendra ses investissements en matière de très haut débit (320 millions d'euros en 2013) et les intensifiera grâce à l'union avec SFR qui ne ménage pas ses efforts.

Bref, voilà qui doit répondre aux attentes du gouvernement en matière de THD !

Le poids de la dette :

Mais la dette importante contractée  par Numéricable pour cette opération risque de constituer un handicap important pour l’avenir.

Le remboursement  de la dette massive et de ses intérêts va constituer un lourd handicap et risque de peser sur les investissements à réaliser.

Un certain statu quo. Un scénario moins problématique ?

Le schéma retenu ne devrait pas avoir d'implications  importantes sur le marché des opérateurs qui restera ainsi organisé autour de quatre acteurs. Il n'y aura pas de vente de réseau et pas de migration d'abonnés.

Il semblerait par ailleurs que l'examen par l'Autorité de la concurrence devrait conduire à la validation de l’opération car les deux réseaux sont complémentaires (en effet, Numericable est absent du mobile) et l'Arcep n'aura pas à intervenir puisqu'il n'y aura pas de cession de fréquences.

Il ne devrait donc semble-t-il ne pas y avoir de risque de blocage réglementaire.

«Nous avons deux réseaux complémentaires l'un à côté de l'autre. SFR est doté d'un réseau longue distance, les autoroutes du haut débit, d'un réseau DSL et du mobile. Numericable possède un réseau de fibre locale et est un distributeur TV, il n'y a plus qu'à joindre ces deux ensembles, nous pourrions  aller très vite, en  moins d'un an » indique le PDG de Numéricable.

Cela aurait pu demander au minimum deux ans pour le scénario concurrent …Et l’on sait que Vivendi entendait boucler cette cession au plus vite.

Vivendi explique par ailleurs « avoir retenu l’option la mieux équilibrée entre le numéraire reçu immédiatement et la participation en titres lui permettant de bénéficier de la valorisation totale la plus élevée ».

« Tout en poursuivant la stratégie déjà annoncée de concentration dans les médias, Vivendi souhaite accompagner SFR, sa filiale depuis 27 ans, en confortant sa structure industrielle et sociale ».

Le maintien de l’Emploi.

Côté emploi, Vivendi précise que « le projet industriel Numericable  est celui qui garantit pleinement le développement de l’emploi dans la durée, notamment par les investissements qu’il implique ».

Altice s'engage à ne procéder à aucun licenciement ni plan social pendant 36 mois.

Le Ministère de l’Economie réticent, Bouygues pris à contrepied avec un avenir incertain.

On le sait l'offre de Bouygues Telecom avait été soutenue  jusqu'au dernier moment par Arnaud Montebourg, le désormais ministre de l’Economie (et toujours  du Redressement productif !), qui redoutait que SFR ne passe sous la coupe d'un groupe immatriculé au Luxembourg.

Un échec donc pour le Ministre mais aussi  et surtout Bouyguesqui avait d’ailleurs mis dans la balance la vente de son réseau à Free pour lever les freins concurrentiels.

Si le mariage de SFR avec Numericable se réalise, Bouygues Telecom se retrouve  seul et sa pérennité à court terme risque d’être menacée avec des pertes rapides de parts de marché.

Il est donc urgent pour Bouygues  de trouver une solution alternative.

Elles sont peu nombreuses et seul un rapprochement capitalistique entre Bouygues Telecom et Free (les « frères ennemis « jusqu’ici !) pourrait permettre à Bouygues de « se refaire ».