Apple : d’énormes profits qui masquent la fragilité d’une entreprise devenue quasiment mono produit.

Frédéric Hourdeau

News

le 03/02/2015 à 22h00

Tweeter

Apple a dévoilé le 27 janvier ses chiffres qui font apparaître les meilleurs résultats trimestriels de son histoire Mais ceux-ci sont essentiellement dus à un produit et repose de plus en plus sur un marché pléthorique: la Chine.

Avec des profits qui  ont bondi de 13,1 à 18 milliards de dollars Apple bat tous les records des entreprises cotées. Mais, pour l’essentiel, les résultats exceptionnels d’Apple sont imputables aux ventes de ce qui est désormais le produit phare d’Apple : l’iPhone.

Apple en a vendu 74,5 millions au cours du dernier trimestre, contre 51 millions un an plus tôt.

Apple affiche le taux de profit d'une marque de luxe.

Le succès de son nouveau modèle l’iPhone 6, malgré un prix plus élevé que les modèles précédents, a dépassé toutes les prévisions et lui a permis d’améliorer sa rentabilité, sa marge brute atteignant désormais près de 40%.

Apple voit désormais son sort étroitement lié à celui du marché chinois.

Le marché de la «Grande Chine» (incluant Hong Kong et Taiwan) a joué un rôle de locomotive, avec une hausse de 70% des ventes d’Apple sur un an.

Selon certains analystes, la Chine serait ainsi devenue le premier pays pour les ventes d’iPhone, devant les Etats-Unis alors que sur ce marché, Apple ne cessait jusqu’ici de perdre du terrain, en particulier face à son grand rival Samsung.

Par contre, désormais,  le coréen Samsung semble de plus en plus pris en ciseau entre Apple, qui parvient à attirer toujours plus de  chinois branchés sur son créneau très haut de gamme, et les constructeurs de smartphones low-cost chinois, qui cassent les prix sur les modèles rivaux de ceux d’entrée de gamme de Samsung.

 

En un an, la part du chiffre d’affaires d’Apple réalisé en Chine, à Taiwan et à Hongkong a donc sensiblement augmenté et passe de 15 à 17% (sur un chiffre d’affaires total de 182 milliards de dollars, soit 161 milliards d’euros).

Ce record serait dû en grande partie au contrat signé fin 2013 entre la firme et China Mobile, le premier opérateur télécom chinois avec 750 millions d’abonnés.

Cela a permis à Apple d’accroître sa présence sur ce marché, auquel elle ne pouvait accédait jusqu’alors que via de China Telecom et China Unicom.

Au premier trimestre 2014, le contrat avec China Mobile avait ainsi permis à Apple de vendre 43 millions de smartphones (6 millions de plus que l’année précédente). L’iPhone 4 avait notamment séduit une part importante du marché chinois compte tenu de son prix.

Quand la Chine s’éveille à l’iPhone 6 !

Désormais, c’est au tour des iPhone 6 et 6 +, disponibles depuis octobre 2014, de s’imposer.

Avant même leur lancement, ces deux modèles avaient été précommandés à 20 millions d’exemplaires.

Amateurs de «phablettes» (ces téléphones dont la taille se rapproche des tablettes), les clients chinois ont plébiscité les modèles à écran large plus facilement utilisable compte tenu des caractères chinois.

Pour renforcer ses positions en Chine, l’entreprise installe de plus en plus d’Apple Stores dans tout le pays. Cinq magasins doivent encore ouvrir leurs portes d’ici à fin février, s’ajoutant aux 15 autres points de vente de la marque.

Mais compte tenu du prix élevé de ses modèles et malgré le développement de la classe moyenne chinoise, Apple reste encore un challenger sur le marché chinois des smartphones :

Ainsi, le géant local Xiaomi resterait  leader avec 14% de part de marché, devant le coréen Samsung (12%) et d’autres fabricants chinois comme Huawei et Lenovo qui proposent des modèles bon marché.

Sur les 10 premiers vendeurs de mobiles en Chine, 8 sont d’ailleurs chinois, Apple est ainsi le seul fabricant occidental parmi les dix premier fournisseurs.

Apple ou le risque du « mono produit »

La remarquable réussite de l’iPhone cache cependant quelques évolutions préoccupantes pour l’avenir d’Apple.

-         D’une part, les ventes d’iPad ont reculé de plus de 20% sur un an, ce qui traduit l’essoufflement d’un produit qui devait précisément servir de relais de croissance à l’iPhone.

 

-         D’autre part, les « services », qui agrègent les ventes numériques réalisées sur les différents sites d’Apple, n’ont progressé que faiblement (+9%), alors qu’elles devraient être tirées par les ventes de matériel.

Tout en revendiquant des résultats record pour l’AppStore, son magasin d’applications pour iPhone et iPad, Apple reste assez silencieux sur iTunes, sa plateforme de téléchargement de contenus audio et vidéo à l’unité.

Sur son exercice clos fin septembre 2014, Apple avait ainsi enregistré une baisse de 14% des ventes sur iTunes. Cette baisse s’est sans doute poursuivie et marque le déclin du modèle de vente à l’unité imposé par Apple sur le marché de la musique en ligne, face à l’essor du streaming.

L'iPhone principale source de revenus d'Apple : L’iPhone représente désormais à lui seul 68% de son chiffre d’affaires, contre 56% un an plus tôt.

Au total, le poids des ventes numériques dans le chiffre d’affaires d’Apple a régressé en un an de 7,6% à 6,4%.

Un paradoxe pour une entreprise qui figure parmi les quatre géants mondiaux des services numériques, aux côtés de Google, Amazon et Facebook.

Jouer sur le besoin de renouvellement : créer le besoin de changement !

Sa croissance et ses profits reposent en effet désormais sur la vente de matériel et sur sa capacité à convaincre ses clients de le renouveler de plus en plus vite. En bref, sur sa stratégie de marketing commercial, plus que technologique.

Toute la vulnérabilité d’Apple est là : son sort est lié de plus en plus à celui de ce seul produit.

Et pour contrecarrer  ce phénomène, la firme compte sur la sortie prochaine de l’Apple Watch.

Vrais ou faux espoirs ?