Une nouvelle guerre froide par internet interposé ? Sony et, indirectement, le Gouvernement américain victimes de la Corée du Nord ? Un pays apparemment archaïque en terme de numérique mais disposant de moyens cachés.

Frédéric Hourdeau

News

le 29/12/2014 à 20h00

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La semaine dernière, Sony Pictures Entertainment a été victime d'une cyberattaque massive. Une organisation qui se surnomme « Guardians of Peace » (Gardiens de la paix), a pénétré dans les ordinateurs du Groupe et piraté une énorme quantité de documents. Les soupçons planent notamment sur la Corée du Nord qui a elle-même subi ( ?) une coupure totale.

Toutes les hypothèses sont envisageables.Il s'agit peut-être de la vengeance d'un employé mécontent. Mais nombreux sont ceux qui  y voient la main de la Corée du Nord. En effet  Sony etait sur le point de distribuer un film parodique racontant  l'histoire de deux journalistes recrutés par la CIA pour assassiner le dirigeant du pays, Kim Jong-un.

La Corée du Nord, furieuse, avait menacé de représailles. Un porte-parole du gouvernement de Pyongyang avait qualifié le film de « terrorisme à visage découvert » et « d'action de guerre ». Si le film est projeté, avait-t-il ajouté, « cela va provoquer une riposte ». Depuis le film circule sur internet ; attendons de voir !

ð Quels sont les moyens réels de la Corée du Nord en matière de cyber sécurité ?

Un pays entièrement coupé d'Internet pendant neuf heures, c'est bien ce qui est arrivé corrélativement à la Corée du Nord, le lundi 22 décembre.

Les causes de la panne restent encore obscures. Certains y voient une mesure de rétorsion de Washington conséquence des tensions qui existent entre Pyongyang et Washington depuis le piratage informatique qui a touché la compagnie Sony Pictures.

Quoi qu’il en soit, cette paralysie générale met en lumière la fragilité du réseau nord-coréen. Un réseau restreint, contrôlé, lent et onéreux. Mais un réseau tout de même !

ð Peut-on parler d’Internet en Corée du Nord ?

La Corée du Nord est l’un des pays les moins connectés au monde. On recense à peine plus de 1.000 adresses Web.

Le réseau est géré par un seul fournisseur d’accès, contrôlé par l’Etat.

La grande majorité de la population n’a pas accès au Web.

La grande majorité des Nord-Coréens n'ont pas accès au World Wide Web, mais seulement  à une forme d'intranet ouvert en 2000 et appelé Kwangmyong, (« étoile brillante » en coréen !). Seuls certains officiels de haut rang, les services de l’Etat, ou encore les visiteurs étrangers peuvent se connecter, dans certaines limites.

Il s'agit d'un réseau fermé fonctionnant à partir de versions japonaises pirates de Microsoft  permettant  d'accéder à des sites d'information coréens, à une télévision éducative et à des sortes de boîtes e-mail rudimentaires, des sites essentiellement copiés sur des sites Internet étrangers, l’ensemble étant étroitement contrôlé par le régime.

Peu de Nord-Coréens disposent d'un ordinateur, essentiellement les  habitants de la capitale, Pyongyang, qui peuvent disposer de cette technologie, notamment via les postes accessibles dans les universités, les bureaux gouvernementaux et des sortes de cybercafés.

Par ailleurs, la possession d'un ordinateur nécessite une autorisation officielle. La seule marque autorisée est coréenne : «Morning Panda», une entreprise publique qui ne produit semble-t-il  qu’une centaine d'ordinateurs par an !

La principale faiblesse de ce réseau résulte dans son origine : l'unique point d’accès est en effet la Chine. C’est elle qui connecte la Corée du Nord au reste du monde, via l’opérateur télécoms China-Unicom.

 Toute connexion est onéreuse et très lente, la Corée du Nord étant reliée par un seul câble à la Chine.

Le pays est donc totalement dépendant du pouvoir chinois, qui peut décider de couper la connexion à tout moment.

Soupçonnée d’avoir un lien (volontaire ou non)  avec la coupure Internet, la Chine clame pourtant son innocence.

Selon certains experts, il se pourrait que la Corée du Nord soit elle-même à l’origine de sa propre déconnexion pour éviter de subir une cyber attaque de la part des Etats-Unis.

Solution de facilité, car, contrairement à nos pays ouverts, couper le Web n’a pas d’incidence sur l’économie du pays

Un réseau 3G embryonnaire

Les Nord-Coréens peuvent accéder depuis 2008, à leur intranet Kwang myong via un réseau 3G appelé Koryolink.

De 5000 utilisateurs,Koyolink est passé à près de 2 millions en 2014  (sur une population globale de 25 millions).Les utilisateurs de Koryolink n'ont accès qu'à l'intranet nord coréen, et ne peuvent téléphoner qu'à l'intérieur des frontières du pays.

Pourquoi permettre à certains d’accéder  au réseau ?

Le gouvernement autorise quelques chercheurs et étudiants à surfer sur la Toile afin de consulter des sources et travaux d'experts à l'étranger.

Par ailleurs, la « Nomenklatura »qui  a par ailleurs accès aux films, livres, technologies interdites et autres biens de luxe se trouve également privilégiée dans ce domaine, un moyen pour Kim Jong-un de se constituer un noyau de fidèles. 

Mais pour le pouvoir c'est également un moyen de contrôler les personnes potentiellement plus critiques à l'égard du régime ; ainsi, toutes leurs connexions sont étroitement surveillées.

Enfin, quelques propagandistes, hackeurs et spécialistes des médias ont besoin d'Internet dans le cadre de leur travail.

Des travailleurs qui bénéficient généralement de très hauts salaires.

Un foyer de hackers surdoués?

En effet , Internet est nécessaire pour entrainer et mettre en action l'armée de hackeurs que la Corée du Nord a considérablement développée en 2012 avec l'arrivée au pouvoir de Kim Jong-un, élevé en Suisse, adepte des nouvelles technologies et …des jeux vidéo !

Selon Courrier International, en effet, 1200 hackeurs professionnels seraient mis au service de l'Etat, repérés et formés dès le plus jeune âge.

Depuis plus de dix ans, les meilleurs élèves, surdoués du primaire  (les méthodes d’enseignement sont particulièrement intensives en Corée, du Nord comme du Sud, d’ailleurs !), auraient accès à une formation de pointe dispensée dans deux collèges de Pyongyang et à l'Université.

De quoi mener à bien la cyberguerre dans laquelle la Corée du Nord semble vouloir s'engager.

A ne pas négliger au-delà de la menace atomique qui retient essentiellement l’attention des occidentaux !

D’où les forts soupçons concernant la récente cyberattaque contre Sony Pictures !